Contrefaçon de monnaie, des sceaux de l’Etat, des
Contrefaçon de monnaie, des sceaux de l’Etat, des poinçons et des timbres et marques
Wafaa FARES Ep. DAHBI
Docteur en droit privé
saharadahbi@yahoo.fr
Un billet de banque est, d’une certaine manière l’image d’une nation. Beaucoup de pays recourent aujourd’hui à des billets thématiques, dont les éléments généraux et de détails sont développés à partie d’un même thème. Il est composé de papier (à l’exception de quelques coupures faites de plastique et papier. Le papier est la base du billet de banque, le support. Des qualités du papier découlent les propriétés de résistance à l’usure et au salisse ment ; en découlent aussi les qualités de l’impression et celles de résistance des encres[1]. En effet ces billets demeurent les premières pièces objet de falsification de par le monde en dépit du dispositif de sécurité qui l’entoure [2].
En synthèse, grâce aux techniques particulières et aux matières premières mise à la disposition des instituts d’émission, il est techniquement possible d’approcher la perfection et de réaliser des billets bien protégés de nature à décourager le faussaire.
Le billet de banque est certes une monnaie, un moyen de paiement à la disposition de tous. Mais il n’est pas que cela, il est aussi une image, conçue pour être regardée. Il doit être attractif et inciter à l’observation, il doit, tout simplement exciter la curiosité et l’envie de contrôler.
La contrefaçon ou la falsification des monnaies ou effets de crédit public, des sceaux de I'Etat et des poinçons, timbres et marques, ou le faux ou la falsification visés dans les articles 360, 361 et 362 du présent code constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but l'atteinte grave à l'ordre public par l'intimidation, la terreur ou la violence [3].
De ce qui précède, il y a lieu de comprendre que ce type de contrefaçon, qui touche l’image fidèle d’une nation, ne devrait pas susciter une protection similaire des autres catégories de falsification ; mais, bien au contraire, doit être entouré d’un cadre législatif plus approprié d’ou l’utilité d’identifier les dispositions pénales qui l’incriminent plus particulièrement.
Si l’on revient aux dispositions des articles 153 et 154 de l’ordonnance du 23 décembre 1958, et de l’article 155 de la loi du 24 avril 1925 ainsi que des articles 155 à 161 de la loi du 13 mai 1863 formant le code pénal français ancien répriment les faux commis dans un certain nombre de pièces. Ces faux se trouvent ainsi soustraits à la qualification générale du faux en écritures. Néanmoins, aux termes de l’article 162, les pénalités du faux sont applicables lorsqu’il a pu résulter de l’infraction, soit lésion envers les tiers, soit préjudice envers le Trésor Public [4].
Ce n’est que par la suite qu’elle a bénéficie d’une réglementation particulière du code pénal, et a suscité, vu sa gravité, l’émergence de d’autres actes voisines.
Ph1- Fausse monnaie ou infractions voisines
La fausse monnaie comprend la contrefaçon et l’altération de la monnaie, l’émission et la mise en circulation de la monnaie contrefaite ou altérée ainsi que les fraudes dans le choix des échantillons pour la vérification du titre et du poids des monnaies.
Cette incrimination qui connaît entre elles une articulation beaucoup plus cohérente, avec assimilation de principe de billets de banque et de la monnaie métallique, concerne également toute contrefaçon et la falsification des signes monétaires, le trafic de la fausse monnaie et les diverses infractions voisines ou dérivées, par hypothèse en étroite relation avec les premières, et qui engagent pareillement la foi publique .
L’article 334 du code pénal marocain punit de la réclusion perpétuelle quiconque contrefait, falsifie ou altère :
- soit des monnaies métalliques ou papier monnaie ayant cours légal au Maroc et à l’étranger,
- Soit des titres, bons ou obligations émis par le Trésor public avec son timbre ou sa marque ou des coupons d’intérêts afférents à ces titres, bons ou obligations »
Ce texte réprime deux types de falsification :
1. Falsification des pièces de la monnaie
La fausse monnaie est un crime très grave puisqu’il porte atteinte à la fois au crédit de l’Etat, à la propriété publique ou privée et à la sécurité des transactions.
Tout comme en matière de faux, la fausse monnaie est soumise à un régime de répression commun aux différentes infractions qui en relèvent.
La nécessité de la répression est telle que l’article 755 du code de procédure pénale prévoit que : « tout étranger qui, hors du territoire du Royaume, s’est rendu coupable, comme auteur, co-auteur ou complice soit de contrefaçon de monnaie ou de billets de banque nationaux ayant cours légal au Maroc peut être poursuivi et jugé d’après les dispositions de la loi marocaine s’il est arrêté au Maroc ou si le gouvernement marocain obtient son extradition ».
La lecture de ces dispositions laisse paraître le caractère criminel que revêt le législateur marocain à de tels agissements, et fait ressortir, afin d’incrimination des éléments qui doivent l’entourer qui sont :
- un fait matériel de contrefaçon, d’altération ou de falsification,
- la nature de la chose ainsi contrefaite, altérée ou falsifiée, soit : une monnaie métallique ou un papier monnaie,
- que cette monnaie métallique ou ce papier monnaie ait cours légal peu importe que ce soit au Maroc ou à l’étranger,
- l’intention criminelle.
La monnaie peut faire l’objet d’une contrefaçon, falsification ou altération dans le but de la faire sortir de son cadre réel.
a- La contrefaçon de la monnaie consiste dans l’imitation de la monnaie, c’est-à-dire la fabrication d’une monnaie ayant l’apparence de la vraie, quel que soit le procédé utilisé et son point de perfectionnement ; il suffit que l’apparence soit suffisante pour que sa circulation soit obtenue, et la confusion possible à des yeux non exercés. Peu importe en matière de monnaie métallique, la valeur intrinsèque de la monnaie contrefaite.
b- La falsification est la modification apportée à une monnaie existante, soit pour modifier une date ou une figure afin de remettre en circulation une monnaie n’ayant plus cours légal, par exemple ou pour attribuer à une monnaie ayant cours légal une valeur supérieure à sa valeur réelle[5].
c- Quant à l’altération, c’est le fait de diminuer la valeur d’une monnaie métallique en modifiant sa substance ou son poids. Le procédé utilisé le plus souvent consiste à limer des tranches des monnaies d’or ou d’argent pour soustraire le métal.
Il faut que l’action du faux monnayeur s’exerce sur une monnaie ayant cours légal, soit au Maroc, soit à l’étranger [6].
A- Des infractions voisines à la fausse monnaie
La fabrication, la distribution et l'utilisation de fausses cartes bancaires relèvent du même article du code pénal que la falsification de la monnaie fiduciaire. Ces infractions sont donc sanctionnées par une peine de prison dont la durée est comprise entre huit et douze ans. Alors qu’en cas de falsification de la monnaie fiduciaire, la peine de prison est assortie d'une amende dont le montant s'élève au décuple du montant de la monnaie falsifiée, aucune amende n'est imposée lorsque l'infraction concerne une carte bancaire, car la détermination de la valeur de la falsification est alors impossible.
En juin 2002, la cour suprême a décidé que la modification de la piste magnétique d'une carte bancaire était assimilable à la fabrication d'une fausse carte bancaire et tombait donc également sous le coup de l'article du code pénal punissant la falsification de la monnaie fiduciaire[7].
Ph2- Contrefaçon des sceaux de l’Etat, des poinçons et des timbres et marques
Fidèle à la politique de cohérence, le code pénal a entendu apporter, les mêmes éléments de simplification et d’actualisation qu’en matière de fausse monnaie, ceci au fil d’incriminations dont la formulation se veut plus pertinente et de modalités répressives ayant pour originalité de relever, là encore, de dispositions communes.
Ces incriminations relèvent d’un principe de qualification fondé à la fois sur la nature des valeurs protégées et les agissements destines à en affecter le crédit. Il est possible de le vérifier, d’abord à propos des effets émis par le trésor, ensuite au sujet des timbres-poste, valeurs-postales et timbres émis par l’administration des finances, enfin relativement à toutes ces valeurs à la fois.
Cette catégorie comprend la contrefaçon ou falsification d’effets publics ou de billets de banque, de titres publics ou privés, émissions ou mises en circulation de ces effets, billets ou titres contrefaits ou falsifiés, faux en écriture ou dans les dépêches télégraphiques et usage de ces dépêches, effets, billets ou titres contrefaits, fabriqués ou falsifiés, la contrefaçon ou la falsification de sceaux, timbres, poinçons et marques, l’usage de sceaux, timbres, poinçons et marques contrefaits ou falsifiés et l’usage préjudiciable de vrais sceaux, timbres, poinçons et marques.
Cette incrimination a pour effet d’en isoler un aspect seulement, dans la mesure ou ne sont concernés, au titre des effets protégés, que ceux émis par le trésor public avec son timbre ou sa marque. La portée très réduite de l’infraction résulte du fait que tous les supports sont séparés : les billets de banque, pour leur part , sont assimilés aux pièces de monnaie, et de ce fait visés dans la section consacrée à la fausse monnaie, quant à la contrefaçon des sceaux de l’Etat et des poinçons, timbres et marques il fait l’objet de dispositions spécifiques consacré dans une seconde section. C’est dire que disparaît fort opportunément un mélange de genre qui ne simplifiait en rien l’approche de la matière.
A- De la falsification des titres ou autres valeurs fiduciaires émises par l'autorité publique
Toute imitation, contrefaçon ou falsification des empreintes est réprimée par les dispositions de l’article 1840 du code général des impôts français qui prévoit à l’égard des fraudeurs les peines édictées par l’article 443-2 du code pénal français qui stipule : « sont punis de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 F
Les personnes coupables de tels délits encourent également aux termes de l’article 443-6 :
- l’interdiction des droits civiques, civils et de famille,
- l’interdiction d’exercer une fonction publique ou une activité professionnelle ou une activité de nature professionnelle.
- la confiscation de la chose qui a servi ou était destiné à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit - des timbres ou papiers falsifiés- [8].
En effet, l’inscription, d’une fausse mention d’enregistrement sur un acte constitue un faux. De la part d’un officier public, il s’agit d’un faux en écriture publique et encourt la peine criminelle.
Sous une autre formule, le législateur marocain a repris cette disposition dans le code pénal dans ses articles 340 sous un intitulé : les effets de crédit public et l’ayant assimilé à la fausse monnaie tout en subissant un traitement similaire. Il dispose que: « quiconque fabrique, acquiert, détient ou cède des produits ou du matériel destiné à la fabrication, la contrefaçon ou la falsification des monnaies ou effets de crédit public est puni, si le fait ne constitue pas une infraction plus grave, d’un emprisonnement de deux à cinq ans et d’une amende de 250 à 5.000 dirhams »
B- De la falsification des marques de l'autorité
Au terme de l’article 444-1 du code pénal français : la contrefaçon ou la falsification soit su sceau de l’Etat, soit des timbres nationaux, soit des poinçons servant à marquer les matières d’or, d’argent ou de platine ou l’usage de ces sceaux, timbres ou poinçons contrefaits ou falsifiés est puni de dix ans d’emprisonnement et de 1 000.000 d’amende.
[1]- Pierre DELVAL : Faux et fraudes, la criminalité internationale des faux documents, PUF, Paris, Juin, 1998, p 137.
[2]- Les dispositifs de sécurité proposés sont très variés :
- filigrane : reste sûrement l’élément de sécurité le plus classique des billets de banque qui consiste en un filigrane obtenu sur machine à forme ronde, lors de la formation de la feuille. Le filigrane doit présenter des densités variables allant du plus clair au plus foncé de façon de donner l’illusion de trois dimensions.
- , fibres colorées :sont un moyen de protection classique utilisé depuis longtemps il s’agit de fibres naturelles ( soie) ou synthétiques incorporées dans la masse du papier. Elles sont réparties au hasard ou en zone ciblées dans le papier, en densités variables.
- , planchettes : sont de petits disques colorés, intégrés elle-aussi dans la pâte à papier ;
- fils de sécurité : il s’agit de fins bandes plastiques, plus au moins larges, introduites dans la pâte à papier. Ce sont généralement des fils de sécurité métallisés opaques, colorés, fluorescents sous les radiations ultraviolettes ;
, Les billets de banque ne sont plus faits de pur chiffon, mais de fibres de coton. Le papier de billet de banque a d’autre part la particularité de ne pas émettre de fluorescence sous les radiations ultraviolettes. Les encres aoûtement de multiples possibilités de protection de telle sorte qu’elle ne doivent pas être facile à acquérir et bien entendu être adaptées aux procédés d’impression et au papier sur lequel sont imprimées.
V. pour plus de précision ibid. des pages 139 -142.
[3]- Au terme de l’article 218-1 du Dahir n° 1-03-140 du 26 rabii I 1424 (28 mai 2003) portant promulgation de la loi n° 03-03 relative à la lutte contre le terrorisme.
[4]- François GOYER : Droit pénal spécial, 8ème édition par Marcel ROUSSELET/ Pierre ARRAILAGE/ Jacques PATIN. Edition Sirey , p 136.
[5]- Ministère de la justice : Code pénal annoté, approuvé par le dahir du 26 novembre 1962, p 135.
[6]- La fabrication des monnaies anciennes démonétisés, pour des collectionneurs, si elle peut constituer une escroquerie, si la monnaie est vendue comme ancienne et ne tombe pas sous le coup de la loi réprimant la fausse monnaie, il en de même de la reproduction de pièces anciennes comme objets de bijouteries.
[8]- Gilbert TIXIER, Philippe DEROUIN : Droit pénal de la fiscalité, Dalloz, Paris, 1989, p 73.